La sirène du Mékong


J’ai aimé Jean-Louis longtemps, encore maintenant, pour toujours. Le Griot, il me l’a appris.
Nous avons vécu de superbes moments à Marseille. Il m’a appris tant de choses, et sur l’art contemporain. Il était une bibliothèque permanente, une connaissance incroyable, une intelligence fine, un séducteur subtil.
Il a refusé ma demande en mariage. J’ai quitté Marseille. Nous sommes restés proches. Je suis revenue pour fêter nos anniversaires en mars 2009. Et puis, il n’a plus voulu que je vienne le voir malade.
Je me délectais de ses 7000 articulations, de son amour pour les artistes.
Il est dans mon cœur. Ma vie continue avec ce qu’il m’a appris. Il m’appelait Mékong. La sirène du Mékong ne s’éteindra pas, en son honneur, elle durera.
Il a aimé ce rapprochement, les échanges avec son père, cette réconciliation tardive et leurs échanges sur sa vie. J’espère que vous les éditerez. Sa famille : il vous aimait tous, tellement. Il me parlait de vous affectueusement. Nous deux, sans enfants, vous étiez le lien de la vie.
Comme j’aurai aimé que le Mas21 voit le jour ; j’aurai vécu avec vous et Jean-Louis, un ami à mes cotés.
Jean-Louis avait la hantise de l'échec. Il était jaloux de la réussite des autres : tout en disant m’aimer, il me mettait des bâtons dans les roues. Il se lassait des gens assez vite, de la répétition. Un jour il m’a dit « je n’ai plus de désir de toi Mékong » et zou ! Mais de tous mes amants, cette explication de rupture a été la plus juste, la seule à laquelle je ne pouvais demander d’explication.
Je l’ai tant aimé, aux champignons, aux coings, dans sa cuisine avec l’encre des poulpes, ses pic-nics savoureux au parc Borély, son regard sur moi lorsqu’il était amoureux…Il souriait devant le paysage désolé des Cévennes et son silence, une belle patate douce et la jupette d’une jeune fille, devant une graine qui devient fleur. Depuis sa mort, le vert africain me saute aux yeux, son salon changeant, son jardin intérieur, ses objets posés à une place précise, cette vidéo magique qu’il a faite sur ses amis artistes…Je me baignais la nuit, sous son bienveillant regard, inquiet lorsqu’il me perdait de vue. Nous nous invitions à diner chez nous. Il me vouvoyait pour m’aimer. Je pensais tant que nous aurions de jolies discussions animées au coin d’un feu, plus tard, complices. Je pleure sur moi égoïstement, sur mes vieux jours sans lui. Je résiste à son orgueil, à sa mélancolie, à un émerveillement suivi d’une déception.
Jean-Louis avait raison de vivre au 5ème étage. C’est moi qui m’essoufflait au 4ème : malgré nos essais communs, je n’ai pas arrêté de fumer, lui si, et il était déjà affairé dans son bureau, son Mont-blanc à la main, lorsque je fermais la porte en toussant. La vie est une sévère injustice, mes poumons restent limpides.
Je vous embrasse. Lolo Mékong




1 commentaire:

  1. Comme c'est beau Lolo Mékong ce que tu nous racontes de Jean-Louis. Merci
    Véronique

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